Bienvenue ches les cousins des ch’tis
ou
« un t’chiot voyage amiteux in BAIE ed’SOMME
La commune de Le Crotoy possède la seule place du Nord de la France orientée au Sud. C’est probablement la raison pour laquelle, ce samedi 31 mai alors qu’il pleuvait à Bezannes, le soleil accueillit les amis randonneurs à leur descente du bus, sur le front de mer. Mais, de mer il n’y en avait point : elle se retire jusqu’à 14 kms du rivage à marée basse : il n’y avait qu’une magnifique plage, lieu idéal pour pique-niquer avant de rejoindre les guides locaux de l’association « Rando-nature » qui nous accompagnaient dans la traversée de la Baie de Somme, qui fait désormais partie, comme celle de Rio de Janeiro, du club très fermé des « plus belles baies du monde ».

Cette trans-baie se déroule sur la partie intermédiaire de la baie, appelée la slikke composée de vasières, véritable garde-manger pour les limicoles (petits échassiers) et les nombreuses espèces de canards, (colverts, siffleur, pilet, etc…), et surtout sur la partie haute du fond de baie, le schorre, appelée couramment « mollières », recouvert de végétation : cet espace n’est immergé que lors des grandes marrées et les moutons des prés salés y paissent en toute tranquillité, avant d’être transformés en gigots très appréciés pour leur viande goûteuse.
Sur les schorre, les randonneurs découvrirent le goût du « passe-pierre » , appelé également salicorne ou concombre de mer, et qui se prépare en salade, en condiments ou comme une salade de haricots. Ils humèrent l’odeur forte de l’armoise, plus connue sous le nom d’ « absinthe maritime », qui, dit-on, ne serait pas récoltée uniquement pour ses vertus médicinales … Ils apprirent tout de la pêche à la sauterelle, nom picard de la crevette grise et du ramassage des « hénons », c'est-à-dire les coques qu’on nettoie dans « enne vénète », un panier, ou crible à fond métallique, appareil qui a donné l’expression picarde « avouère les venètes au tchu » » : la récolte des coques se fait, en effet, à marée basse et avec le reflux, il faut quitter la Baie, le panier au dos. Si l’on tarde, il faut déguerpir au plus vite, sinon c’est la noyade : si la traduction littérale de l’expression du picard est « avoir le panier ou le crible au derrière », elle signifie en réalité « fuir le danger », « avoir peur ».
Pour ne rien cacher aux nombreux cinéphiles qui se sont précipités voir ‘Bienvenue chez les ch’tis », Dany Boon et ses acolytes parlent essentiellement le picard où un « kien » est un chien, « ch’ti » veut dire « celui » et « mi » moi. Quant à la location géographique du film, il faut aussi révéler que Bergues est en plein pays flamand et qu’on n’y a jamais parlé le « ch’ti ».
Mais revenons à nos moutons, (de prés salés bien sûr).
Les randonneurs rencontrèrent des huttiers, occupés à l’entretien de la hutte de chasse et de la marre attenante. Certains randonneurs qui ne sont habituellement pas des « pieds-tendres » glissèrent dans la descente ou la remontée des vasières et d’autres expérimentèrent la sensation étrange que procure la marche sur les sables mouvants ….

Tous arrivèrent à bon port, en l’occurrence celui de Saint-Valéry. Ils y déambulèrent, découvrant en particulier les petites maisons décorées et kitschissimes du quartier des marins.
La journée se termina par une balade sur le long plancher de la plage de galets de Cayeux-sur-Mer (cayeux signifiant caillou en picard), bordé de plusieurs centaines de cabines de bains aux décors souvent personnalisés et, pour les plus aventureux des randonneurs, par une soirée au Casino, où les machines à sous et la boule ne permirent à aucun d’entre eux de gagner le moindre euro.
Le dimanche 1er juin, les randonneurs gravirent la falaise d’Ault, mur de craie attaqué par la mer qui sans cesse la fait reculer jusqu’à menacer les habitations. Ils arrivèrent au Bois de Cise, joyau de verdure qui enchanta Victor Hugo jusqu’à lui faire dire que c’était l’endroit mythique où les « travailleurs de la mer » rencontraient « les travailleurs de la terre ». Le site est le seul bois naturel des côtes de la Manche : le bois s’est installé dans la coupure de la falaise, c'est-à-dire qu’il est situé dans l’une des dernières « valleuses » suspendues, c'est-à-dire une ancienne vallée que le recul de la falaise a coupé au cours des siècles.

Cise, hameau de quelques âmes, tout juste sorti du XIXème siècle, aux premiers bains de mer, s’est transformé en station balnéaire à la Belle Epoque et deviendra le lieu de villégiature d’une clientèle riche et privilégiée. Les magnifiques villas construites à l’époque en portent encore le témoignage comme l’accès à la place, creusé à coup de pic, que les randonneurs descendirent jusqu’à la mer. La présence exceptionnelle d’un phoque veau-marin, probablement échappé de la colonie qui s’est installée à l’embouchure de la Baie, ravit les randonneurs.
Mers les Bains fût la dernière étape de ce périple : splendeur du quartier balnéaire, magnifiquement rénové depuis quelques années avec ses villas aux façades colorées, ses bow-windows et ses splendides céramiques architecturales.

Un « tiot ju » (un petit café) en terrasse ensoleillée et retour vers Bezannes : décidément, les randos amitieuses, ça me donne la pêche !!!!